NOUVELLES DU 18 EME

Publié le par LEPIC ABBESSES

Barbès, le plus grand tabac de France
Police et douanes s’inquiètent de l’explosion des ventes de cigarettes de contrebande. Un réseau, structuré comme un trafic de stupéfiants, vient d’être démantelé.

Le métro de Barbès Le métro de Barbès © AFP Le premier hèle les badauds : « Winston, Legend, Winston ! » Le second répète : « Marlboro, Marlboro ! » Le troisième promet « du choix ». Devant le métro aérien de Barbès-Rochechouart, les vendeurs à la sauvette soulèvent au mieux de l’intérêt pour les fumeurs, avec leurs paquets vendus 3,50 €, au pire un sourire indifférent pour les autres usagers. Il n’y a que les forces de l’ordre qu’ils ne font plus rire.

« Leurs cigarettes auraient la même composition que celles vendues chez les buralistes, ça ne me gênerait pas, mais là, c’est très grave. Ce qu’ils vendent est dangereux pour la santé », s’énerve un policier de l’Est parisien. « Malgré les apparences, avec ces revendeurs sans papiers, ce n’est pas un trafic de misère, complète un gradé. Au contraire, c’est un trafic naissant que l’on connaît mal et qui génère des revenus aussi importants que le trafic de drogues. »

Mardi dernier, une soixantaine de policiers du XVIIIe arrondissement et des ex-RG ont été mobilisés pour démanteler un réseau à Barbès, lieu emblématique du trafic de cigarettes contrefaites. Outre une quinzaine de suspects interpellés, ils ont saisi un millier de paquets, la quantité nécessaire aux trafiquants pour répondre à la demande pendant deux heures. D’après les policiers, 500 cartouches de fausses cigarettes sont écoulées tous les jours à Barbès, générant plus de 15.000 € de profits quotidiens.

Après plusieurs mois de surveillance, les agents ont comptabilisé entre 100 et 150 Maghrébins en train d’opérer aux alentours du métro. Mais, contrairement à ce qu’on pourrait imaginer, le trafic de tabac est structuré, sur le modèle de ce qui se passe en matière de stupéfiants, avec des rôles bien déterminés.

– Les « réceptionneurs de cartouches ». Il y a les hommes comme Ali C. qui viennent du métro, porteurs de sacs à dos remplis de cartouches de cigarettes. Certains arrivent en costume-cravate en plein milieu de la nuit, une valise à la main. Ils ouvrent leur valise et confient leur marchandise à Farès B. et Karim D. Ces « réceptionneurs de cartouches » ont deux missions. D’abord, cacher le stock à proximité, que ce soit dans des placards de la RATP, dans des gaines électriques, dans des poubelles. Karim a pour habitude de dissimuler ses cigarettes à l’intérieur d’une épave de camion garée le long du boulevard de la Chapelle. Lorsque le poids lourd est enlevé par la fourrière, Karim cache son stock dans les étals d’un magasin en face du métro… Ensuite, Farès et Karim alimentent les vendeurs qui ont épuisé leurs réserves et récupèrent leur argent.

– Les vendeurs à la sauvette. Ce sont les sans-grade du trafic. Des étrangers en situation irrégulière qui œuvrent de la fin de matinée à la soirée. Ils écoulent les cigarettes par petites quantités afin d’avoir le moins de liquide possible en cas de descente de police. Ils gagnent entre 50 et 100 € par jour et vivent d’expédients. On en retrouve certains, à la nuit tombée, au Sacré-Cœur en train d’arracher les sacs à main des touristes.

– Les « banquiers ». Tout ce petit manège se déroule sous le regard discret d’un « banquier ». Mohamed B. passe son temps à la terrasse d’un café à une cinquantaine de mètres du métro. Son rôle consiste uniquement à recevoir l’argent récolté, à intervalles réguliers au cours de la journée. Il le récupère de la main des réceptionneurs. A aucun moment, le « banquier » n’est en contact avec les vendeurs, ni ne touche la moindre cigarette contrefaite.

– Les commanditaires. Celui qui va envoyer ses hommes distribuer les cigarettes dans le métro achète à des trafiquants chinois la cartouche de cigarettes entre 6 et 15 €. Elle se revendra 30 € dans la rue. « A chaque étage du réseau, les trafiquants doublent leurs bénéfices », estime le policier.
Ces petits réseaux, surnommés « le trafic fourmis » par Jérôme Fournel, directeur général des douanes et des droits indirects, sont devenus une préoccupation des pouvoirs publics. Avec la préfecture de police, les douanes les ciblent depuis quelques mois. Des « opérations Barbès » sont organisées pour démanteler la distribution locale avec l’espoir de remonter la chaîne. Car, comme l’écrit un enquêteur, « le métro Barbès-Rochechouart n’est que le dernier maillon, celui de l’écoulement des stocks ».

De plus en plus structurée, la mafia du tabac se fait en effet de plus en plus gourmande. 58 millions de fausses cigarettes avaient été notifiées au seul groupe Philip Morris en 2009, on en est déjà à 45 millions de cigarettes cette année…

Pour l’heure, c’est le premier étage du réseau qui trinque. Les cinq trafiquants présumés interpellés à Barbès viennent d’être écroués. Ils risquent 3 ans de prison et 300.000 €. La dizaine de vendeurs à la sauvette vont, eux, être reconduits à la frontière.

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