EXPOSITION A MONTMARTRE

Publié le par LEPIC ABBESSES

ASSOMAG.COM - Magazine d'actualité des associations du 18ème -
 

Exposition des oeuvres de Michel Macréau et Anselme Boix-Vives à la Halle Saint Pierre

La Halle Saint Pierre est bien connue pour sa relation fondatrice avec l’Art brut, concept artistiquement subversif, qui a permis d’ouvrir sur d’autres formes inattendues de la création. Dans le même temps, à travers un choix d’expositions qui repoussent les frontières de l’histoire de l’art, elle veille à ne pas enfermer les artistes « bruts » ou « singuliers » dans des catégories théoriques strictes rendant ainsi caduque toute référence à la norme psychologique ou sociale.


Expo consacré à Michel Macréau du 23 mars – 28 août 2009
Toile monumentale 1961, huile sur toile 200x160 cm
Toile monumentale 1961, huile sur toile 200x160 cm
Les deux expositions monographiques dédiées à Michel Macréau et Anselme Boix-Vives sont à nouveau l’occasion de saisir la richesse et la variété des genres, rappelant cette évidence que la création de techniques, de formes et de contenus inédits est le seul critère valable pour mesurer l’invention artistique.

Michel Macréau (1935-1995), proche de certaines préoccupations COBRA, précurseur de la figuration libre et du graphitisme urbain, connut autant le succès que la traversée du désert. Son oeuvre anti-conventionnelle, qui inscrit la peinture dans le champ de l’écriture et du dessin, s’affirme par la complexité d’une figuration apparemment malhabile et la qualité picturale des lignes sobres qui jouent avec l’espace du tableau. Une peinture graphique quelquefois brutale, fondamentalement tendre, sous-tendue par une angoisse presque palpable qui s’origine dans des mythologies personnelles les plus obsédantes.


Présentation

Michel Macréau (1935-1995), Français
D’abord dessinateur, Michel Macréau travaille comme décorateur dans les ateliers de céramique de Vallauris.
A la fin des années 1950, il s’installe dans un vieux château inhabité de la Vallée de Chevreuse pour se consacrer totalement à la peinture. Il délaisse le pinceau pour le tube qu’il presse directement sur la toile ou le papier. Dès 1960, Michel Macréau commence à peindre sur toutes les surfaces qui lui tombent sous la main (draps de lit, sacs de jute, planches de bois). Il est animé d’une sorte de rage de peindre ses obsessions. Sa première exposition personnelle a lieu en 1962 à la galerie Raymond Cordier. C’est un succès : Georges Pompidou achète deux œuvres. Soutenu par Cérès Franco, il participe à de nombreuses manifestations à Paris et au Brésil.
En 1969, malgré l’acquisition d’une œuvre par le musée d’Art moderne de la Ville de Paris et le soutien de quelques galeristes, le peintre commence une longue traversée du désert : sans doute jugées trop anti-conventionnelles, ses œuvres ne se vendent plus. Le doute et la dépression sont son lot quotidien, avant qu’il connaisse une embellie au début des années 1980, moment où émergent des artistes comme Basquiat, qui doivent beaucoup à ce précurseur.
Proche du graffiti urbain, par sa spontanéité et sa manière de traiter le support comme un mur, Michel Macréau est volontiers provocateur et déploie sans complexe un univers tentaculaire, où il met en scène des saynètes très personnelles. En pionnier, il associe sur un même niveau personnages, graphisme et écriture. Son style direct et foisonnant suscite à la fois la fascination et le rejet : c’est une sorte de fureur qu’il exprime avec fougue, sans compromis.

 

 

 

Biographie

(in Michel Macréau par Frédérique Verlinden éd. RMN, col. Reconnaître, 2001)

1935
Naissance le 21 juillet à Paris
1953
Études au lycée de Sèvres (section artistique) Participation à la réalisation de cartons de tapisserie de Le Corbusier
1954-1955-1956
Il fréquente l'académie de la Grande-Chaumière et suit les cours d'un fresquiste, Lesbounit. Il se marie avec le sculpteur Claudie Pessey, avec lequel il aura trois enfants, Violaine, Ludovic et Alice
1958
Il séjourne à Vallauris et travaille chez des potiers
1959
Il s'installe avec des amis du cours de Lesbounit dans un château inhabité, situé dans la vallée de Chevreuse. Macréau délaisse le pinceau pour le tube qu'il presse directement sur la toile ou le papier - avant d’utiliser d'autres instruments comme la seringue.
Première exposition de groupe dans le jardin du château. Exposition de groupe au foyer des artistes de Marc Vaux (boulevard Montparnasse).
1960
Exposition de groupe à la galerie Raymond Cordier Michel Macréau commence à utiliser toutes les surfaces à peindre qui lui tombent sous la main (draps de lit, sacs, planches de bois).
1962
Succès de sa première exposition personnelle à la galerie Raymond Cordier. Georges Pompidou achète deux œuvres.
Exposition de groupe À travers L’Œil de Bœuf réalisée par Cérès Franco. Il participe au Salon de mai jusqu'en 1965.
1963
Exposition à la galerie Del Naviglo à Milan et à Venise. Exposition à la galerie L’Œil de Bœuf, à la galerie 7 et à la galerie Legendre à Paris. Participation à la biennale d'art à Sao Paulo.
La famille Macréau s'installe aux Laignes
1964
Participations aux expositions Figuration narrative (organisée par Gérard Gassiot-Talabot), Nouvelle figuration de l’École de Paris à Paris et à Rio de Janeiro (organisée par Cérès Franco) ainsi qu'à la Nova Figuraçao et La Peinture européenne au Japon (toutes deux organisées par Jean-Clarence Lambert). Exposition de groupe à la galerie du Fleuve à Paris. Exposition de groupe L’Œil de Bœuf à Madrid.
1965
Participation au Salon des Réalités Nouvelles Exposition Miniatures 1965 à la galerie A.
Exposition de groupe Du Général au Particulier à la galerie Florence Houston-Brown à Paris.
Exposition Figuration narrative dans l’art contemporain présentée par Gérard Gassiot-Talabot à la galerie Creuze.
Exposition Opiniào 65 au musée d'Art moderne de Rio de Janeiro.
1966
Exposition Opiniào 66 au musée d'Art moderne de Rio de Janeiro.
1967
Exposition Bande dessinée et figuration narrative au musée des Arts décoratifs à Paris.
Exposition Le Groupe ORA organisée par Gérard Gassiot-Talabot à la galerie Jacqueline Ranson à Paris.
Exposition personnelle à la galerie T à Haarlem (Hollande). Préface du peintre Corneille.
Exposition 50 autoportraits dans L’Œil de Bœuf à la galerie T à Haarlem. 1969
Exposition à la galerie T à Haarlem.
Exposition à la galerie Ivan Spence à Ibiza en Espagne. Réalisation de toiles en public.
À Paris, Macréau n'est plus compris. Son exposition à la galerie Neuf chez Antoinette Mondon est un échec, aucune oeuvre n'est vendue. Acquisition néanmoins dune oeuvre par le musée d'Art moderne de la Ville de Paris.
1970
Exposition à la galerie Vallribera à Ibiza.
1971
Exposition Tentures et Pancartes à la galerie Neuf à Paris.
1972
Isolé et fatigué, Macréau a des doutes sur sa démarche picturale. Il peint peu jusqu’en 1975. Mais les oeuvres de cette période restent généralement très fortes avec une grande liberté d'expression.
1973
Participation à la Neue Darmstädter Sezession (Allemagne) ainsi qu'à la foire de Bâle.
1974
Exposition Les Graffitis de Michel Macréau à la galerie L'Œil de Bœuf à Paris. Exposition à la galerie Remarque à Trans-en-Provence.
1975
Exposition à la galerie T à Amsterdam avec David Hockney, Antonio Segui, Vladimir Velickovic et Peter Blake. L'artiste est en pleine dépression. Il se réfugie à l'hôpital pour de longs séjours par intermittence jusqu'en 1981. 1979
Macréau reprend progressivement goût à la vie et à la création. L'émergence de jeunes artistes, dont il se sent proche comme Penck, Basquiat ou Combas, lui permet de se sentir moins isolé.
1982
Exposition Dessins noir et blanc et couleurs à la galerie Remarque à Trans-en-Provence.
1983
Exposition à la galerie L'Œil de Bœuf.
Achat d'une gouache par le Fonds national d'Art contemporain. Exposition à la galerie Rosart à Amersfoort (Hollande).
1984
Exposition à la galerie Nord à Randers (Danemark).
1985
Achat d’une toile par le musée d'Art moderne de la Ville de Paris.
1986
Exposition à la galerie Remarque à Trans-en-Provence.
1987
Exposition à la galerie Goerg Nothelfer à Berlin. (Catalogue avec des textes de Roland h. Wiegenstein, Nothelfer et Jean-Jacques Lévêque). Participation à la foire de Bâle et à la FlAC de Paris.
1988
Exposition individuelle à la galerie Caroline Beltz à Paris. Exposition de groupe à la galerie Le Gall-Peyroullet à Paris (avec Scottie Wilson, Barbus Muller). Participation à la foire de Bâle et de Cologne (galerie Nothelfer) et à la FlAC (galerie Barbier-Beltz).
1989
Exposition Les Années 60 à l'Odyssud à Toulouse. Grand succès de son exposition personnelle à la FlAC (galerie Barbier-Beltz).
Exposition à la galerie Peccolo à Livourne en Italie.
À la suite d'un grave différend avec son marchand, Macréau rompt tout accord et, en 1991, souhaite reprendre ses toiles en dépôt
1990
Exposition Vingt ans après à la galerie Prazan-Fitoussi, avec Valerio Adami, Peter Klasen, Jean-Michel Basquiat et Jean-Pierre Pincemin. Exposition Macréau-Maryan à la galerie Fanny Guillon-Lafaille. Exposition Pour saluer le dessin organisée par Paul Duchein au musée Ingres à Montauban. Exposition à la galerie Remarque à Trans-en-Provence Exposition Le Visage dans l'Art contemporain réalisée aux musées des Jacobins à Toulouse et du Luxembourg à Paris.
Exposition Peintures-Objets à la galerie Barbier-Beltz à Paris
1991
Participation au Salon international d’Art contemporain à Rouen (galerie L'Œil de Bœuf).
1992
Exposition de groupe Portes sur l'inconnu à Eaubonne Exposition Propos de croix à la galerie Messine avec notamment Manolo Millares, Antoni Tàpies, Boix Vives et Roger Bissière.
Achat de deux oeuvres par le ministère de la Culture. Rétrospective au musée-château d’Annecy. Catalogue préfacé par Jean-Dominique Jacquemond.
1993
Exposition à la maison des arts Claude Monet à Argenteuil. Exposition à l'espace Poisson d'or à Lyon. Exposition à la galerie Remarque à Trans-en-Provence.
1994
Exposition Rencontres à la galerie Guillon-Lafaille à Paris (Coffignier, Jean Messagier, Pierre Tal-Coat et objets d'Afrique). Exposition Portraits à la galerie Alain Margaron
1995
Rétrospective à la maison de la culture, au musée des arts décoratifs et à la chapelle du Bon-Pasteur à Bourges. Parution de l'ouvrage Macréau, textes de Marie-Odile Briot et Jean-Louis Lanoux, préface de Jean-Dominique Jacquemond. Mort de Michel Macréau
1996
Rétrospective au musée d'Alençon.
Exposition personnelle à la galerie Alain Margaron qui par la suite en organisera plusieurs autres.
1997
Rétrospective au centre d'Art contemporain à Istres
1998
En novembre, Paul Rebeyrolle découvre l’œuvre de Macréau chez un ami collectionneur, Jean-Pierre Courcol.
1999
De juin à novembre, exposition à l'espace Paul Rebeyrolle à Eymoutiers.
Du 23 juin au 2 décembre 2001 dernier, le musée Ziem à Martigues lui a consacré une très grande exposition : « Reconnaître Michel Macréau »

 

 

 

 

Ils en parlent

En précurseur, Michel Macréau explore sans complexe une multitude de supports différents (carton, tissu, bois, drap…). S’y exprimant directement avec des instruments comme le tube ou la couleur, il impose dans ses œuvres un rythme et une spontanéité toutes neuves. Un renouveau qui annonce avec vingt ans d’avance des artistes comme Penck, Combas ou Basquiat.

Michel Macréau en quelques dates

Né en 1935, mort en 1995, Michel Macréau fait sa première exposition personnelle à Paris en 1962. Remarqué par la galeriste Cérès Franco, il participera aux Salons sur la Nouvelle Figuration qu’elle organisa au Brésil. Il expose également au Japon. Plusieurs de ses œuvres figurent dans les grandes collections publiques (ministère des Affaires culturelles, musée de Rio de Janeiro, Collection d’art brut de Lausanne).

 

 

 


Expo consacré à Anselme Boix-Vives du 23 mars – 21 août 2009
Christ lunaire, 1964, gouache sur carton, 86 x 80 cm
Christ lunaire, 1964, gouache sur carton, 86 x 80 cm
Anselme Boix-Vives (1899-1969), ex-berger catalan, marchand de primeurs en Savoie connaît une trajectoire de feu van goghienne. En sept années de création intense, il va produire une oeuvre riche de plus de 2 400 peintures ou dessins, transposition primitive et généreuse de son Plan de paix, rédigé en quatre manifestes sincères et utopistes. Celui que l’on classe volontiers dans l’art brut est certes original, mais à la façon du mysticisme catalan médiéval. Ses illuminations, art d’instinct et d’invention, peignent et dépeignent sans relâche sa société universelle où se côtoient rois et reines, papes, missionnaires et apôtres, hommes politiques, travailleurs et patrons, à travers des harmonies dynamiques de couleurs qui se révèlent dans leur tonalité affective.




 

1899, Castellon (Espagne) - 1969, Moûtiers (France)

Issu d’une famille pauvre de neuf enfants, Anselme ne peut aller à l’école. A l’âge de dix-huit ans, il s’expatrie en France. Devenu Anselme Bois, il travaille en usine, se fait ouvrier agricole, mineur. Travailleur acharné, “quarante-huit heures par jour” comme il aime à le dire, il réalise un rêve quand il acquiert en 1926 une boutique de fruits et légumes dans la rue principale de Moûtiers. Le petit commerçant enrichi qu’il est devenu n’oublie pas ces débuts et une part de son cœur bat pour un monde meilleur qu’il a toujours gardé en tête. Il rédige un "plan de paix" impliquant la résolution des problèmes de la planète. 3 avril 1956 : première édition du manifeste de L’union mondiale - l’avenir du monde. Il envoie son projet au général de Gaulle, à la reine d’Angleterre, au pape... 16 mars 1957 : première conférence sur le "Plan mondial". Gentiment moqué par ses concitoyens, Anselme est meurtri par le silence que rencontrent ses écrits. En 1962, tout vacille. Le décès de sa femme bouleverse sa vie. Il abandonne son affaire à l’un de ses fils. Michel, un autre fils, l’incite à peindre, se souvenant de ses dessins griffonnés spontanément au dos des factures du magasin. Anselme Boix-Vives se réfugie dans son utopie et entame une nouvelle vie entièrement consacrée à la peinture. Sept années, de juillet 1962 à juillet 1969, d’un travail opiniâtre débouchent sur plus de deux mille œuvres. Des gouaches, des peintures à l’huile ou au Ripolin, des dessins. Sept années dans son monde plein de rois, de châtelaines, de personnages lunaires, de héros de notre siècle (Kennedy, Martin Luther King), mais aussi de personnages du petit écran (Catherine Langeais), de gens du commun (la série des concierges), de scènes du quotidien (des mariages), d’acteurs (Michel Simon), de témoignages d’actualité (La marche sur Washington), et de scènes bibliques (une descente de croix). Ces toiles forment des instantanés de notre temps au cœur de jungles flamboyantes.

VOIR AUSSI : SAINSAULIEU (Marie-Caroline). Anselme Boix-Vives, Sylvio Acatos, Lausanne, 1998.

JACQUEMOND (Jean-Dominique). Anselme Boix-Vives, La Différence, Paris, 1990.

LANOUX (Jean-Louis). Anselme Boix-Vives, Tiré à part de L’oeuf sauvage, 1991.


(Image JPEG)

(Image JPEG)

(Image JPEG)



Au pied de Montmartre : Anselme Boix-Vives, un avant-goût du paradis

 Agrandir  Réduire  Imprimer  Envoyer


Détail de la photo


Au pied de Montmartre, Parisiens et touristes voyagent entre les personnages lunaires et le bestiaire enchanté de l'épicier de Moûtiers devenu peintre pour inventer un monde de paix. Les fleurs, les rois et Fidel Castro se croisent dans une explosion de couleurs. Incroyable saga de l'ancien berger catalan analphabète dont
les toiles dépassent aujourd'hui 20 000 euros

On entre ici comme dans une église. Une fois franchi le rideau noir, les tableaux sautent aux yeux, dans la pénombre de la salle d'exposition. Comme autant de vitraux et d'icônes de toile et de papier pour célébrer la création. Une explosion de couleurs. Un hymne à la vie célébré par un homme qui n'avait jamais rêvé d'être artiste. Fidel Castro côtoie vierges et soldats lunaires, fleurs flamboyantes et animaux merveilleux.

Quarante ans après sa mort, la halle Saint-Pierre, à Paris, offre une plongée dans l'œuvre démesurée d'Anselme Boix-Vives. Juste un aperçu du monde enchanté qu'il explorait pendant sept ans. Pour laisser 2 400 tableaux et dessins sans jamais se prendre pour un artiste.

"Je ne savais pas que la peinture valait de l'argent. Je me demandais qui serait assez fou pour en acheter", confie l'autodidacte alors que les galeries commencent à s'intéresser à lui dans les années 60. Son fils Michel l'a poussé alors à prendre les pinceaux. "Ce n'est pas du travail, ça vient tout seul !".

Et voilà l'immigré catalan, qui a su développer la plus belle épicerie de Moûtiers (Savoie), porté aux nues par André Breton tandis que les spécialistes se bagarrent pour savoir s'il est naïf, brut ou primitif.

"Quand j'étais berger, je regardais la lune"

C'est l'histoire d'un homme qui a pris le temps de rêver dans les montagnes dominant Morella aux confins de la Catalogne et de l'Aragon. "Quand j'étais berger, je couchais dehors et je regardais la lune. J'imaginais qu'elle était peuplée de gens qui ressemblent à ma peinture". Son école, c'est le ciel et la nature sauvage qu'il explore en gardant les moutons. Mais Ancelmo est une bouche de trop à nourrir pour une famille de 9 enfants.

Il faut partir. Ancelmo débarque en Savoie à 18 ans, en décembre 1917 sans un sou en poche, et sans parler un mot de français. Il n'a que ses deux bras, mais les aciéries d'Ugine n'en demandent pas plus. Puis il se lance dans les fruits et les légumes. Avec une voiture à bras pour tout commerce. Il s'accroche et ne compte pas les heures. Ancelmo est devenu Anselme et Boix s'est transformé en Bois. Un nom bien français pour ouvrir son épicerie avec les premières économies.

"Il a laissé le souvenir du travailleur acharné, disponible, bien inséré, catholique pratiquant. Il est vite devenu le commerçant respectable qui avait pignon sur rue", rappelle Jean-Paul Bergeri, le président de l'office du tourisme de Moutiers. Il s'est passionné pour un destin tout aussi singulier que celui de Séraphine de Senlis, redécouverte récemment grâce au film avec Yolande Moreau.

Car l'homme voit plus loin que les étals de pommes et de poireaux qui lui servent d'horizon. "Dans les années 50, un autre Anselme commence à bouillonner d'idées pour en finir avec la guerre. Un pacifiste et mondialiste avant l'heure. Il écrit son "plan de paix pour l'humanité" dans un mélange phonétique de français et d'espagnol qu'un professeur de lettres du lycée lui met au propre. Il donne des conférences qui n'attirent pas les foules, mais on va voir l'original de service".

Son manifeste est arrivé sur le bureau du pape, du général de Gaulle, du secrétaire général de l'ONU. Sans succès. C'est le temps du doute. Il perd sa femme et souffre d'asthme. L'épicerie cédée à son fils Louis, il écoute son autre fils Michel, étudiant aux Beaux-Arts, qui lui conseille de donner des couleurs à ses visions. Anselme se lance à corps perdu.

"Mme Romet, la droguiste lui donne des pots de Ripolin, il récupère des cartons d'emballage au magasin, achète du papier Canson...Il n'arrête plus", ajoute Jean-Paul Bergeri. Première expo dans l'épicerie. "Les gens s'amusent de l'illuminé qui ne fait de mal à personne. Il donne des toiles à ses anciens clients qui les acceptent pour lui faire plaisir. Ils n'auraient jamais osé mettre ça dans leur salon !".

Des aciéries d'Ugine à la Grand-Rue
de Moûtiers

Le peintre n'a de cesse de coucher sur la toile le torrent d'images et de souvenirs trop longtemps contenus. Il voit le monde entrer chez lui grâce à sa première télévision. Terriens, Martiens et habitants de la Lune se croisent dans l'atelier. La fréquentation de l'Eglise complète sa formation d'autodidacte.

"Dans sa recherche d'un avant-goût du paradis, Boix-Vives tombe assurément sous le charme enivrant de l'art baroque savoyard, qui croule sous les angelots, les saints et les fleurs", remarque l'historien d'art Emmanuel Daydé, qui vient de lui consacrer une passionnante étude.

La tête dans le ciel mais les pieds sur terre. Boix-Vives vit avec son temps et assiste fasciné au démarrage des grandes stations de Tarentaise. Dès 1956, il a poussé son troisième fils Laurent à racheter la petite société du menuisier Abel Rossignol. On connaît le formidable développement de la marque de skis sous sa direction.

Juillet 1969, Anselme signe sa dernière toile, encore surpris de l'engouement des galeries pour son œuvre.

"Je le suis depuis 1994 et il est de plus en plus recherché. Il y a enfin une vraie reconnaissance de son talent", constate Alain Margaron, qui lui consacre une autre exposition dans sa galerie parisienne. "Certaines toiles se vendent plus de 20 000 €."

Pendant ce temps, les touristes qui envahissent Montmartre découvrent par hasard la halle Saint-Pierre au pied de la butte. Le monde enchanté d'Anselme Boix-Vives a remplacé les fruits et les légumes dans l'ancien marché couvert devenu musée.



Halle Saint Pierre
- 2 rue Ronsard - 75018 PARIS - France - Tel : 01.42.58.72.89
Horaires : tous les jours, de 10h à 18h
www.hallesaintpierre.org
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article